Témoignage d’un collègue de Mulhouse

Parmi les nombreux témoignages de salariés que nous recueillons, celui de ce conseiller funéraire de Mulhouse est particulièrement édifiant. Ce témoignage, daté du 19 mars 2020, nous l’avons retranscrit pour vous…

« Au début les gens rigolaient du Covid-19 en s’embrassant lors des cérémonies… »

« Le problème aujourd’hui à Mulhouse, c’est que les médecins nous disent : « je ne peux pas vous confirmer que c’est un Covid-19 mais je sais que c’en est un. » Ils nous le font comprendre. Ils ne font plus du tout de test. Ils les notent en « Suspicion Covid-19 » et ne sont donc pas comptabilisés.

Je sais qu’il y a des corps qui n’ont pas le Covid-19 mais la majorité l’ont. Notre premier cas avait 60 ans, ce n’est pas vieux. Vu qu’ils ne font plus de distinguo entre un Covid-19 ou non, on ne peut plus prendre le risque de se mettre en danger.

Au début les gens rigolaient du Covid-19 en s’embrassant lors des cérémonies. J’étais le premier à rire du Covid-19. On nous disait que ce n’était qu’une petite grippe et qu’on ne pouvait pas être malade en étant jeune. Même des personnes jeunes, qui n’avaient rien du tout avant, sont en état grave.

Sur Mulhouse tout est fermé et tout est maintenant interdit au public que ça soit : les mises en bière, les fermetures de cercueil, les inhumations, les crémations. Avant on recevait les familles 4,-5 personnes, puis une. Aujourd’hui on fait tout par téléphone et par mail car de toute façon les mairies sont fermées. On essaie de reporter les cérémonies après la pandémie. Pour les rapatriements également, pas de toilettes rituelles possibles. C’est très dur pour les familles mais elles commencent à comprendre. Malheureusement on n’a plus le choix, on est en pandémie. »

« On a trop d’instructions contradictoires, c’est ça qui créé la panique et qui fait que c’est flou. »

« Entre ce qui est vrai, ce qui est faux, les rumeurs et j’en passe, ce qui est vrai c’est qu’il ne faut pas le prendre à la légère, chez nous c’est simple c’est interdit parce que c’est trop dangereux de faire des toilettes et des soins pour vous mais aussi pour ne pas contaminer d’autres personnes. Sur Mulhouse c’est clairement impossible. Il vaut mieux arrêter avant que les thanatopracteurs soient contaminés et propagent le virus parce que de tout façon vous n’aurez plus le choix. Ils ne pourront plus exercer leur métier. Autant arrêter de suite. Il faut avertir de suite. Ils vont s’en rendre compte trop tard. Même pour les pacemakers on demande au médecin.

On a eu le cas d’une suspicion d’un Covid-19 : la famille nous a contacté pour organiser les obsèques de leur proche sans savoir eux-mêmes la réalité, uniquement la précision que l’infirmière avait préconisé de mettre le corps immédiatement en housse. J’ai compris que c’était un Covid-19 ou « Suspicion de ». La nièce de la défunte m’a dit qu’elle pouvait s’y rendre dans 30 minutes. J’appelle l’EHPAD : confirmation de la suspicion Covid-19. L’infirmière me dit : « ne vous inquiétez pas de toute façon c’est déjà le quatrième aujourd’hui. »

Ca veut dire que les gens qui sont à l’EHPAD sont contaminés donc ça veut dire que les personnes qui y rentrent vont l’être aussi. Les familles des défunts Covid-19 sont très probablement contaminées. »

« Il ne faut pas céder à la panique mais il ne faut pas le prendre à la légère. »

« Sur Mulhouse, on est l’épicentre, les gens ne font plus attention tellement on est débordé, mais dans les autres régions les gens ne se rendent pas compte de ce qui se passe. Il ne faut pas céder à la panique mais il ne faut pas le prendre à la légère.

Dans la chambre mortuaire de l’hôpital et ici aussi, c’est un garage, il y a des quinzaines de cercueils. On n’a plus la place. Normalement il ne devrait pas y avoir de soucis pour avoir des cercueils, pour l’instant ça devrait aller. C’est assez impressionnant. On se croirait en temps de guerre.

Pour qu’on installe un hôpital de campagne militaire à côté de l’hôpital de Mulhouse et qu’on mette dix caves réfrigérées du centre funéraire de l’hôpital à disposition pour pallier le manque de place ce n’est pas normal. C’est beaucoup plus dangereux que l’on pense. Quand on est dedans on le voit. Il faut leur faire comprendre que c’est la catastrophe.

Une fille d’un décès de Covid-19 m’a raconté comment c’était en réanimation : dans ce service c’est l’horreur. Les courbatures sont tellement fortes pour les malades qu’ils les mettent sous morphine pour ceux qui vont mourir. Ils souffrent énormément pour leur respiration. »

« Notre collègue n’avait aucun problème de santé, pourtant elle est partie en urgence à l’hôpital car elle ne pouvait plus respirer. »

« Au sein de notre entreprise, on a des contaminés et il y en aura d’autres. Notre collègue n’avait aucun problème de santé, pourtant elle est partie en urgence à l’hôpital car elle ne pouvait plus respirer.

Il y a eu quatre cas de Covid-19 chez des conseillers funéraires concurrents, c’est passé dans le journal, parce que justement ils ont reçu de la famille même si chez eux ils limitent à 2 personnes. Même en faisant attention aux papiers, en désinfectant les stylos, les sièges, le bureau… ils l’ont eu. Des concurrents venaient sans gants et sans masque faire des mises en bière dans la chambre mortuaire de l’hôpital pour des Covid-19. C’est de l’inconscience.

Lundi matin, même la Mairie a fermé en urgence, dans le service Etat civil (décès) dont une employée m’a avertie qu’il y a eu trois cas de Covid-19 dont une qui a dû consulter aux urgences, et que pour ce samedi elle a eu 41 déclarations de décès. »

Personnellement si un membre âgé de ma famille, fragile, l’attrape… ils le laisseront mourir chez lui. Je ne le vois plus depuis deux semaines pour le protéger. Je lui dépose de la nourriture dans son jardin pour éviter tout contact.

Si les gens pensent que le Covid-19 est une invention ils peuvent faire un tour à Mulhouse et ils verront que ce n’est pas le cas. »

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